L’ABEILLE NOIRE

 

APIS MELLIFERA MELLIFERA

 

Origines de l’abeille noire :

Les premiers insectes sont apparus bien avant les dinosaures, il y a 450 millions d’années, et il aura fallu attendre 100 millions d’années encore pour voir apparaître les hyménoptères (les insectes ailés). Les premières abeilles sont probablement apparues pendant l’évolution et la diversification des angiospermes (les plantes à fleurs), il y a environ 120 à 100 millions d’années pendant le crétacé.

Au début solitaires et restreintes dans le butinage de certaines fleurs, elles ont évolué en devenant des pollinisatrices pour un nombre toujours plus croissant de fleurs en même temps qu’elles développaient leurs techniques de construction. On parle d’ailleurs de coévolution puisque les fleurs ont évolué en même temps.

Source : Le Cultivateur bio[En ligne]. http://lecultivateurbio.fr/ [consulté le 30 mars 2020]. 

Le plus ancien fossile d’abeille découvert à ce jour date de 100 millions d’années. Retrouvée piégée dans un morceau d’ambre provenant d’un gisement en Birmanie, et baptisée Discoscapa apicula elle est considérée comme la plus vieille espèce du genre jamais découverte.

 

Crédit image : George Poinar Jr. OSU College of Science.

Son fossile conservé dans l’ambre contient du pollen, dont certains grains sont même accrochés aux pattes de l’insecte. Son observation tend donc à prouver la théorie selon laquelle la famille des abeilles a évolué à partir de celle des guêpes dites apoïdes, uniquement carnivores.

Des fossiles tels que celui de Discoscapa apicula peuvent nous permettre de mieux comprendre les changements qui ont poussé les premières guêpes à devenir palynivores – mangeuses de pollen.”

Source : George Poinar Jr. Oregon State University. Mis à jour le 12 février 2020.

[En ligne]. https://www.eurekalert.org [consulté le 30 mars 2020].

Après le mésozoïque où il y avait un climat tropical jusqu’il y a 30 millions d’années, le climat se refroidit et les abeilles se déplacent pour se réfugier au sud de l’Asie. C’est durant cette transition que les abeilles auraient commencé à mettre le couvain dans des endroits abrités afin de le protéger. Elles regagnent par la suite des régions plus froides en Europe grâce à cette nouvelle capacité de protection, tout en profitant du climat qui devient plus clément en se réchauffant comme l’atteste la présence de fossiles d’Apis en Allemagne et dans le sud de la France datant de 20 millions d’années.

On distingue à la suite de ces migrations, il y a 9 Ma, trois grandes espèces : Apis florea, Apis dorsata, et l’ancêtre commun d’Apis cerana et d’Apis mellifera.

 

Apis cerana et Apis mellifera seront séparées géographiquement pendant plus d’un million d’années et vont évoluer chacune de leur côté pour donner ces deux espèces bien distinctes il y a environ 6 millions d’années.

Source : Le Cultivateur bio[En ligne]. http://lecultivateurbio.fr

Répartition des espèces du genre Apis :

L’étude de la diversité et de l’évolution des espèces du genre Apis a progressé en même temps que les outils d’analyse scientifiques. On admet maintenant qu’il existe neuf espèces du genre Apis.

Après le nom de l’espèce, on trouve le nom de la race (ou sous-espèce), accompagné parfois d’un nom propre. Ce dernier est celui de l’inventeur (par ex. : Buckfast), du découvreur ou bien du descripteur, qui n’est pas forcément la même personne.

Les études moléculaires du génome de l’abeille montrent que ces espèces peuvent être classées en quatre groupes selon leurs différences génétiques.

Source texte : Le Traité Rustica de l’apiculture. Chap. 1 « Mieux connaître l’abeille ». Paris. Éditions Rustica. 2015. 560 p.

Source : Carte de l’aire de répartition naturelle des espèces du genre Apis. D’après Ruttner 1988, Otis 1996, Smith & Hagen 1996 et tiré de Franck 1999. Crédit : Carte FreeVectorMaps.com http://freevectormaps.com

Les quatre groupes d’espèces du genre Apis :

L’étude de la biodiversité chez l’abeille commence pour L. GARNERY par l’étude des relations de parenté entre les quatre espèces d’abeilles sociales (il faudrait plutôt parler de quatre groupes d’espèces) qui composent le genre Apis Apis melliferaA. ceranaA. dorsata et A. florea.

Apis mellifera a une distribution séparée de celle des autres espèces (distribution allopatrique); celles-ci ont une aire partiellement commune (sympatrie), mais A. cerana remonte plus vers le Nord. Pour ces trois espèces à distribution asiatique, on observe un polymorphisme de taille (différences de la taille du corps) et l’occupation de niches écologiques différentes. De cette manière, les espèces n’entrent pas en compétition, mais exploitent chacune des ressources spécifiques de leur milieu.

Source : Mellifica. « Le genre Apis ». https://mellifica.be

Les trois lignées évolutives du genre Apis :

Un schéma clair se dégage de l’étude de la variabilité de l’ADN mitochondrial. Les colonies et les races se regroupent en trois lignées évolutives bien distinctes :

  • La lignée africaine (lignée A) inclut tous les types correspondant aux races intermissa, adansonii, scutellata, capensis et monticola;
  • La lignée ouest-méditerranéenne (lignée M) correspond aux colonies de l’abeille noire (A. mellifera mellifera et Apis m. iberica);
  • La lignée nord-méditerranéenne (lignée C) inclut les races caucasica, ligustica ou carnica.

L’étude de l’ADN du noyau cellulaire met en évidence une quatrième lignée évolutive, très semblable à la lignée C, la lignée O. Ces lignées évolutives présentent chacune une répartition géographique particulière. L’abeille noire appartient à la lignée M alors que les races importées sont de lignées A ou C (carnica, caucasica, buckfast…).

Source : Mellifica. « Le genre Apis ». https://mellifica.be

Hypothèse sur l’origine des différentes races de l’abeille mellifère :

Source : Mellifica. « Le genre Apis ». https://mellifica.be

Crédit : Map from FreeVectorMaps.com http://freevectormaps.com

Répartition géographique de l’abeille noire :

A l’origine, l’abeille noire peuple toute la France, les Îles britanniques jusqu’en Écosse et en Irlande, l’Europe centrale au nord des Alpes; elle occupe aussi les plaines du nord de la Pologne, l’est de la Russie jusqu’à l’Oural, ainsi que le sud de la Suède et de la Norvège. Actuellement, cette aire s’est étendue vers le nord grâce à l’apiculture.

A travers une aire de répartition aussi vaste, l’abeille noire rencontre des conditions écologiques extrêmement diverses; on conçoit facilement que le climat et la flore, deux aspects essentiels de l’environnement de l’abeille, soient très différents lorsqu’on passe du bassin méditerranéen à la Scandinavie ou à la Russie.

Sous l’effet de la sélection naturelle, l’abeille noire s’est adaptée à ces conditions écologiques variées, d’où l’apparition d’une diversité biologique très importante. Cette diversité est donc le résultat d’une longue évolution, travail irremplaçable réalisé par la nature.

Source : Mellifica. « Des hyménoptères à l’abeille noire ». https://mellifica.be

Répartition de l’abeille noire en Europe :

Source schéma : Mellifica. « L’abeille noire ». https://mellifica.be

Crédit : Map from FreeVectorMaps.com. http://freevectormaps.com

Pourquoi réintroduire l’abeille noire en Apiculture ?

Elle ne représente plus aujourd’hui que 10% de la population des abeilles mellifères en France !

Afin de la sauvegarder, une quinzaine de conservatoires ont été créés dans l’hexagone par des passionnés. Le premier fût celui de l’île d’Ouessant en 1989. Eloigné du continent et bénéficiant d’un environnement sans pesticide, ce sanctuaire breton est une référence en la matière. Mais cela n’est pas suffisant car depuis plus de 50 ans l’abeille noire est négligée par le monde apicole lui préférant des espèces plus productives d’importation.

Dans les années 60 c’est l’abeille jaune (apis mellifica ligustica) la belle italienne, qui avait les honneurs. Puis dans les années 70-80 c’est l’abeille grise (apis mellifica caucasica) la besogneuse de la région du Caucase qui était à la mode. L’abeille brune (apis mellifica carnica) de Slovénie a eu son époque glorieuse dans les années 90.

Afin d’obtenir des récoltes de plus en plus importantes, les apiculteurs ont sélectionnés des abeilles produisant des colonies très populeuses, démarrant rapidement au printemps, essaimant le moins possible et douces comme des agneaux… l’abeille idéale en quelque sorte !

Apis mellifera ligustica

(abeille Italienne)

Apis mellifera caucasica

(abeille Caucasienne)

Apis mellifera carnica

(abeille Carnolienne)

Buckfast

(hybride F1)

Apis mellifera mellifera

(abeille noire)

De nos jours c’est la Buckfast@ (marque déposée) qui peuple principalement les ruchers. Créée par homme, en croisant les différentes espèces en laboratoire, elle nécessite une sélection continue afin de cumuler le maximum de qualités des différentes lignées dont elle est issue, tout en écartant leurs défauts.

Malgré l­­­a couleur qui lui a donné son nom, l’abeille noire (Apis mellifera mellifera) ne vient pas du continent Africain ! Son territoire est européen et plus précisément sur une zone très étendue allant de la chaine des Pyrénées jusqu’à la Pologne. Depuis la nuit des temps, l’abeille noire est parfaitement adaptée au climat de cette grande zone géographique. Il y a encore un siècle, elle y était l’unique espèce d’abeille présente dans les ruches. On la nommait alors l’abeille commune, parfaitement adaptée à son contexte climatique.

Source texte : Permaculturedesign

Les atouts de l’abeille noire :

ADAPTATION À SON BIOTOPE :

L’une des particularité d’une colonie d’abeilles noires est son cycle de développement qui est synchronisé avec le cycle des floraisons. Leur production de couvain (les abeilles à naître) n’est pas linéaire, elle est régulée en fonction des ressources mellifères disponibles à chaque saison. Cette adaptation leur permet notamment de ne pas se retrouver en surpopulation hors période de floraison, elles évitent ainsi d’avoir trop de bouches à nourrir si les ressources ne sont pas suffisantes. Cette faculté est aussi un atout lorsque les ressources deviennent abondantes,  elles savent anticiper en augmentant très rapidement leur population pour profiter pleinement des floraisons.

« Au plan génétique, les races d’abeilles ont des cycles biologiques généralement différents. Chacune s’étant adaptée a un environnement et à ses variations, elles sont devenues spécifiques de ces biotopes. L’exemple des abeilles Landaises est bien connu : leur cycle de développement se calque sur la floraison de la bruyère. Cela optimise la récolte de ce miel et évite à la colonie le risque de disette.

On a observé que ce phénomène se perpétue même si on déplace ces abeilles dans un autre environnement. Cependant l’écotype landais devient de plus en plus pollué génétiquement par l’utilisation d’hybrides. »

Source texte et schéma : Le Traité Rustica de l’apiculture. Chap. 2 « La vie sociale de la colonie ». Paris. Éditions Rustica. 2015

RYTHME DU COUVAIN :

« Le couvain démarre tard au printemps et il n’augmente que lentement, atteignant son sommet dans le milieu de l’été. A tout moment, il est inférieur en comparaison avec d’autres races comme les italiennes, les carnioliennes et les Buckfast. L’arrêt du couvain d’automne est hâtif si on le compare à celui des italiennes. »

Schémas de différents rythmes de couvain :

a) type « été hâtif » : un pic fin juin
b) type « abeille de bruyères » : le pic est en août
c) type « subméditerranéen » : un long pic de mai à septembre
d) type « méditerranéen » : deux pics et un trou de couvain en juillet et août
e) type « côte atlantique » : départ tardif, lente progression, petit pic et arrêt hâtif

Source schéma : L’abeille noire européenneFriedrich RUTTNER, Eric MILNER, John E.DEWS. 1990. The Bee Improvement and Bee Breeders Association

CARACTÉRISTIQUES DU COUVAIN :

L’abeille noire est économe et prévoyante. Elle gère ses réserves de nourriture de manière très organisée.

« La quantité de couvain est toujours limitée par les grandes quantités de pollen que cette abeille a l’habitude de stocker, même sous le couvain, formant une bande continue de pollen sur tout le pourtour, habitude qui ne se rencontre pas chez les autres races, et la tendance à stocker le miel auprès du nid à couvain ».

Source : L’abeille noire européenneFriedrich RUTTNER, Eric MILNER, John E.DEWS. 1990. The Bee Improvement and Bee Breeders Association 

Photo caractéristique d’un cadre de couvain d’abeille noire :

Source photo : Syndicat des Apiculteurs de La Manche et Groupement de Défense Sanitaire Apicole de La Manche (GDS-A 50)

UNE MORPHOLOGIE IDÉALE :

Texte à écrire ….

Pour en savoir plus sur la morphométrie de l’abeille noire, rendez-vous dans la rubrique IDENTIFICATION > OUTIL APICLASS.

Une abeille noire ouvrière vue de profil :

Source photo : Emmanuel Boutet

L’abeille noire est aussi une courageuse combattante face aux prédateurs et aux intrus, et elle présente des résistances sur certaines maladies. Encore aujourd’hui, beaucoup lui attribue un caractère agressif. Ce dernier est en grande partie responsable de l’abandon de la majorité d’apiculteur vers des races étrangères plus docile. Cette mauvaise réputation doit être attribuée en fait aux hybridations entre l’abeille noire et l’abeille italienne, qui fut très à la mode dans les années 60 et 70.

Il manque à ce jour des données récentes sur les divers atouts et contraintes de l’abeille noire. Diverses croyances perdurent sur ce sujet, laissant la place à tout entendre et son contraire… Nous souhaitons apporter des réponses afin d’avancer, ensemble, autour de la problématique et épineuse question : doit-on conserver et valoriser une espèce d’abeille locale qui était là bien avant nous ?